I. INTRODUCTION
C’est dans le cadre d’un projet d’échange d’expériences élaboré par la Via Campesina Afrique1, que nous avons effectué du 26 juillet au 31 Juillet 2010, une visite d’échange à la confédération paysanne du Congo (COPACO).
La délégation était composée de Lamine COULIBALY, coordonateur région 2 Afrique de Via Campesina et de Boba dit Abed NEGO DAKOUO, président de la commission céréale de l’Association des Organisations Professionnelles Paysannes (AOPP) membre de la CNOP.
L’échange visait les objectifs suivants :
- améliorer la connaissance mutuelle entre organisations africaines membres de LVC
- échanger des savoirs faire et des expériences dans différents domaines (organisation paysanne, production, commercialisation, formation, participation dans la construction de politiques publiques, incidence politique, etc.)
- établir des stratégies communes d’action pour la lutte contre les politiques néolibérales et pour la récupération de la souveraineté alimentaire dans les pays respectifs
- avoir une base de connaissance tant politique, économique, sociale ainsi que sur les droits des paysans, pour la diffusion et la multiplication de ces connaissances auprès de la majorité des paysans qui forment la base sociale du mouvement en Afrique.
II. DEROULEMENT DE LA MISSION
Arrivés le 26 dans la soirée et hébergés au centre Liloba, les activités ont démarré le 27 par une visite des locaux de la COPACO et une brève présentation de l’organisation et de ses membres du bureau venus nous accueillir avant de se réunir avec ses femmes et ses jeunes.
Avant la rencontre des femmes et conformément à la tradition de la Via Campesina, un mystica a été organisé par les femmes pour présenter quelques problèmes auxquels elles sont confrontées notamment les oiseaux qui détruisent tout ce qu’elles sèment.
Les thèmes qui ont fait ensuite l’objet de discussions sont entre autres : la production, la transformation, la commercialisation, la souveraineté alimentaire et les changements climatiques.
Vu le nombre important de femmes présente à la rencontre, la latitude à été laissée aux responsables et par filières (production de céréales, élevage et maraîchage, transformation, utilisation des semences précoces) de se prononcer par rapport aux différents thèmes avant d’être complété par les autres membres.
Au regard des différents exposés on a pu constater toutes les difficultés auxquelles ces femmes sont confrontées dans leurs travaux, notamment au niveau de la production, de l’évacuation de la production vers le marché (Transport), de la vente, de la conservation des aliments dans le cadre de la valorisation des produits locaux, d’eau pour le maraîchage étant donné que les espaces destinés pour le maraîchage ne sont pas propre à cause des eaux usées. Hormis ces difficultés, on a constaté aussi tous les efforts qu’elles mènent à l’endroit des autres femmes surtout de la capitale en termes de sensibilisation pour la consommation des produits locaux. Et pour appuyer les femmes dans le même sens, la COPACO a initié la date du 15 mai comme journée de la cuisine congolaise où dans toutes les exploitations familiales la consommation locale est exigée.
Quant à la délégation de la CNOP, elle a à son tour réagi par rapport aux différents thèmes tels qu’ils sont vécus au Mali, notamment la mécanisation de l’Agriculture en rapport avec les tracteurs et l’exemple a été pris sur l’usine de montage de tracteurs au Mali qui n’a pas été une politique qui a atteint véritablement sa cible. Egalement, à propos des changements climatiques, des exemples ont été pris notamment le programme de pluie provoqué initié par l’Etat malien.
. La Rencontre avec les jeunes de la COPACO qui a suivi dans l’après midi, a fait l’objet de discussion sur la jeunesse congolaise face à l’Agriculture, les politiques visant à aider la jeunesse en générale et en particulier celle paysanne, notamment dans le domaine de la production et de la commercialisation.
A la lumière de discussion, on a pu constater qu’il n’existe pas de politiques de la part de l’Etat congolais visant à aider la jeunesse surtout paysanne, car dû au fait que l’Agriculture n’est pas mis aux premiers plans dans les politiques de développement du pays. La jeunesse paysanne qui, dans la généralité fait le maraîchage et un peu d’élevage est aussi confrontée à des difficultés notamment des difficultés dues à l’évacuation de la production causée par des tracasseries routières qui jouent sur la commercialisation.
C’est pourquoi la COPACO est entrain de sensibiliser et les politiques et la population d’une façon générale à s’adonner à l’Agriculture.
Se référant sur le cas du Mali, notamment avec l’Agence de Promotion des Jeunes (APEJ) qui a installé des jeunes diplômés dans les campagnes et en les octroyant des terres, les jeunes ont trouvé que le Mali fait au moins des efforts pour aider sa jeunesse alors que tel n’est pas le cas au Congo où la jeunesse est marginalisée.
- 3ème et 4ème jour
Le troisième jour de notre visite a été consacré à une sortie au plateau « Batéké » pour rencontrer quelques OP membres de la COPACO. Cette étape de visite a commencé par l’OP CRNEBES, un regroupement de 30 familles et disposant de 3 hectares de terre cultivable. On a pu constater dans cette exploitation familiale l’association de certaines cultures notamment : le haricot vert avec le manioc qui est la culture de base du pays, le maïs, le sésame,…A côté de ses cultures, le maraîchage est aussi pratiqué avec notamment la culture de la maranta. On a aussi compris que les 30 familles travaillent toutes dans les 3 hectares et se partagent la production à la fin de la récolte.
A ce niveau a pu faire une différenciation avec la culture pratiquée au Mali, notamment de part la superficie de champs cultivé et pour chaque céréale et le fait que 30 familles se partagent 3 hectares.
Après CRNEBES qui ne fait que l’agriculture et le maraîchage, nous nous sommes rendus à Mongata pour visiter l’Association des Fermiers Indépendants (AFI) spécialisée dans l’élevage, le gardiennage et la vente du bétail à l’ouest du pays où nous passerons la nuit. On a pu constater que l’élevage est développé dans seulement les zones est et ouest du pays. Bien que des efforts soient déployés par ces éleveurs, des difficultés sont toujours consenties notamment dans l’acheminement du bétail acheté dans d’autres contrés vers le pâturage AFI. D’autres difficultés sont aussi consenties au niveau de la vente qui est très souvent lente (un mois voire deux des fois) même si elle se réalise, elle se fait généralement sur la base du crédit dont il faudra attendre plusieurs mois avant de recevoir la somme due.
L’autre constat est que les races élevées ne font pas de lait, quand on sait que cette association de vente bétails et de lait s’avère complémentaire et bénéfique pour l’association en générale et la famille d’éleveur en particulier car contribuant favorablement au rendement surtout en période de soudure ou la vente est lente.
Cette proposition qu’on leur a faite avec des conseils et des exemples de cas, notamment des mini laiteries qui sont entrain d’être développées au Mali, a été très bien pris à bras le corps et a même suscité beaucoup d’intérêt de leur part.
. Le quatrième jour a été consacré à la visite du centre paysannat de Nkiema, qui est un centre initié depuis 1958 par les Belges pour développer l’agriculture et l’élevage et installant les sans emplois voulant exploiter la terre. Il est de nos jours repris par l’Etat congolais dans le même sens et confié à la COPACO pour gestion, qui est l’unique cadre de concertation de toutes les OP du pays. Bien qu’il ait une superficie de 10500 hectares, les 1/3 ne sont pas à présent utilisés malgré les dons ou subventions en intrants de l’Etat vis-à-vis des exploitations familiales se trouvant sur place.
Les cultures y effectués sont entre autres : le manioc, l’arachide, le haricot, le maïs,… et son élevage est principalement consacré aux petits bétails notamment la chèvre et la volaille. L’association des cultures est aussi pratiquée dans le centre et la superficie moyenne allouée est d’un hectare.
Bien que l’Etat leur ait installé sur un espace qui l’appartient, des propriétaires coutumiers viennent très souvent leur menacer de vendre.
On peut dire en gros que c’est une initiative à saluer, il reste à la COPACO de sensibiliser la population d’aller occuper l’espace afin de contribuer au développement de l’agriculture.
- 5ème jour
Le cinquième jour a consisté à la visite des maraîchers qui sont regroupés au sein d’une Association dénommée : l’Association pour la Protection de l’Environnement (APE). On a pu atteindre ceux–ci après de véritables tracasseries dues à une route sablonneuse où seuls les 4x4 passent avec moins de difficultés.
Créée en 1998, l’association est regroupée autour de 50 hectares et faisant la culture associative notamment : patate-taraud, maranta, moréal. Les semences de ses cultures sont toujours achetées. La moyenne de terre allouée à une famille est d’un hectare. Les problèmes rencontrés sont généralement des problèmes d’espace, de matériels et de semences.
Des explications ont été données par rapport à notre façon de faire au Mali en termes de maraîchage.
La visite a continué pour la rencontre de l’Association des Bouchers et Fermiers du Congo (ABFECO), une autre association membre de la COPACO dont sa mission est d’encadrer les éleveurs en provenance de Bandundu et de Bacongo où ils sont actifs. L’association, officiellement reconnue en 2006, dispose d’un abattoir où 15,5 à 16 bœufs sont abattus par jour. Les clients entre autres les bouchers qui viennent s’approvisionner pour ravitailler la population et les grande maisons que sont : les supermarchés et même des familles.
Au regard des efforts fournis, des difficultés persistent notamment à avoir des clients solvables qui prennent la viande en crédit, au niveau des taxes de l’Etat qui est trop élevée et au niveau de l’évacuation des bêtes compte tenu de la distance et les tracasseries routières pour les acheminer vers la capitale.
S’agissant du cas du Mali des explications qui leur ont été données, ont suscité beaucoup d’attentions et intérêts.
L’Association pour la Promotion des Paysans des Districts de Kwango et Kwilu (APDK) a été le dernière association visitée lors de cette journée de visite aux OP de Kinshasa. Cette association est créée en 1996 dans le souci de faciliter l’évacuation des produits des paysans qui avaient de grandes difficultés. Ce qui est éténonnant c’est que, bien qu’elle évolue dans le transport, elle ne dispose pas de véhicule à son compte et est obligée d’en louer avec des propriétaires qui leurs posent d’enormes problèmes notamment pour le paiement de carburant, ou de reparation en cas de panne sur la route et bien que des contrats soient établis avant. Ces contrats sont généralement de deux sortes dont dans le premier cas ils payent une garantie au propriétaire et dans le deuxième cas, toutes les dépenses du véhicules sont à la charge du propriétaire.
Au régard de leur façon de faire, on a remarqué que c’est un travail à risque dans la mésure où ils s’endettent pour payer une garantie au propriétaire du véhicule ou payer du carburant ou encore reparer le véhicule en cas de panne sur la route et le réfus des fois du propriétaire de le prendre en charge malgré le contrat. On a aussi compris que ce n’est pas un travail rentable malgré leur attachement.
Par conséquent, des conseils leur ont été prodigués quant à la révision de leur façon de faire et en même temps il leur a été proposé d’élaborer un projet en vu de développer leur travail avec l’aide de la COPACO, qu’ils pourront soumettre à des partenaires pour financement.
6ème jour
Le 6ème jour a été consacré à la réunion avec tous les responsables d’OP membres de la COPACO où les thématiques Souveraineté alimentaire, les APE, les OGM, l’accaparement des terres et les agro carburants ont été fortement discutées.
Au regard des discussions, il a été conclu que les problèmes s’avèrent pratiquement les mêmes et les activités menées même si les angles sont quelques fois différents, sont généralement les mêmes aussi.
Quant à la Souveraineté alimentaire, la COPACO tout comme la CNOP est entrain de la défendre dans le pays afin que le gouvernement puisse mettre en place des politiques favorisant son développement, notamment par l’organisation de la cuisine congolaise tous les 15 mai, qui est un jour de consommation locale dans toutes les familles paysannes de la COPACO.
Par rapport aux APE, la position est claire c’est le NON total, car ne voyant pas d’avantages pour les paysans et leurs produits qui seront face à d’autres qui viendront d’autres pays envahir les marchés.
Par rapport aux OGM, la position est également négative et des sensibilisations sont entrain d’être mené par la COPACO à l’endroit de ses membres. Ce qui n’est pas le cas au Mali où l’Etat a voté la loi introduisant les OGM malgré les efforts et les combats menés par les organisations paysannes et la société civile.
Quant à l’accaparement des terres, on a conclu que c’est un phénomène qui, non seulement prend de plus de l’ampleur, mais aussi, est constaté pratiquement dans tous les pays africains. Au Congo, les zones concernées sont notamment : le Katanga, le Bacongo, le Gassaye, le Kivu, etc. Alors qu’au Mali la zone visée est l’Office du Niger qui la principale zone rizicole du pays.
Le septième jour a été consacré au jour de repos et une visite guidée dans la ville de Kinshasa.
Le huitième jour qui correspondait à la date de notre retour au Mali, a vu la matinée consacrée à un débat télévisé organisé par la COPACO à son siège où nous (délégation malienne) étions les invités. Il s’agissait au cour de ce débat de donner notre (CNOP-MALI) position sur les thématiques telles que: la souveraineté alimentaire, les OGM, la commercialisation, l’accaparement des terres, afin de montrer à la population congolaise que les combats des paysans sont toujours les mêmes.
III. IMPRESSIONS ET REMERCIEMENTS
Nous avons particulièrement été impressionnés par l’organisation de la visite, en termes d’accueil, de mobilisation d’OP membres, etc. Nous avons aussi été impressionnés par leur système de culture qui bénéficie de deux saisons de pluie à savoir la grande (qui commence d’août à octobre) et la petite (qui commence de février à mars).
Mais, ce qu’on a déploré, c’est le manque de moyen de déplacement à la COPACO, qui, de part son statut de seul cadre de concertation des organisations paysannes du pays et malgré son influence vis-à-vis de l’Etat, ne dispose pas à présent d’un moyen de déplacement. Ce qui a considérablement joué sur la visite des OP, car, obligeant de prendre des transports en commun pour aller à la rencontre des OP et quand on sait à combien ces transports en commun ont des vitesses limitées surtout avec les embouteillages.
Nous pouvons se réjouir de cette échange d’expériences, car elle a été très bénéfique dans la mesure où des connaissances et pratiques ont été échangés de part et d’autre. De l’autre côté, elle nous a permis de savoir d’un œil extérieur le dynamisme de nos organisations paysannes et savoir aussi que des efforts sont consentis pour le développement de notre Agriculture.
En définitive, nous adressons nos sincères remerciements à la Confédération paysanne du Congo (COPACO) et à l’ensemble de son personnel, qui, malgré les moyens limités se sont investi pour la réussite de cette visite d’échange d’expériences. Nos remerciements s’adressent aussi à La Via Campesina Afrique 1 pour avoir eu la bonne initiative de monter un tel projet et d’avoir trouver le financement pour sa mise en œuvre.
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